Sur les routes de la mort…

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Sous l’habituel regard coupable du citoyen pourtant autoproclamé patriote,

Tel un caméléon provocateur, devant l’œillade demie-aveugle corrompu de l’agent de la circulation, Le voilà qui s’en va, lui le convoyeur de la mort, commis bénévole d’Azraël Malāk-Al-Mawt, de Yet Maak,

Soixante-dix-sept passagers au lieu de quarante autorisés, trois tonnes de bagages sur ses pneus de seconde main usés. Sa visite technique et son assurance sont caduques depuis plusieurs jours, mais c’est sans crainte, car certains de ceux qui sont sensés le remettre à l’ordre conduisent des véhicules sans papiers.

Après incantations, il se croit protégé de tout danger le long du trajet. Il jure, injurie, klaxonne, contourne, traite de poltron avec le rire des passagers, ceux qui sont juste prudents et respectent la priorité des autres usagers. A plus de 120 km à l’heure, il fonce, engage la course avec ses confrères espérant « piquer » les clients sur les bords de la route. Il dépassera les charretiers, les vendeurs sur les trottoirs, les requins et anacondas de l’autoroute, les chauffards sur la bande d’arrêt d’urgence, obstruant ambulances et véhicules de secours. Il sera également rudoyé par une autorité politique manifestement pressée. Autorité qui s’est même payée le luxe et l’abus d’emprunter quelques kilomètres sur la nouvelle voie du Bus Rapid Transit (BRT).

 

Nous avons pleuré nos 42 martyrs de Sikilo, les 22 victimes de Sakal et nous revoilà contraint de nous lamenter pour Yamong, 14 innocentes vies dont la moitié ne reverra plus jamais la terre d’origine. Sans oublier les accidentés du 27 janvier 2017 de Malem Hodar, les 28 morts de septembre 2022. En 2002, les 2000 disparus du Diola n’ont servi de leçon que le temps d’un commentaire.

Pour vous milliers de victimes anonymes de nos routes de la mort, recevez ce requiem, énième requiem pour un réveil et éveil. Sincères condoléances aux familles endeuillées et prompt rétablissement aux blessés.

Des drames de la circulation nous ont fait perdre plus de 3000 de nos chers entre 2017 et 2020. 1200 espoirs envolés entre 2021 et 2022 victimes de 39.381 avatars de nos chemins. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous parle d’environ 27 000 personnes annuellement victimes d’écueil sur la voie publique, dont 11 000 à Dakar.

A Dieu nous appartenons, à Lui nous retournons, mais dans quelles conditions ?

Le temps de l’ivresse d’une émotion, sous une pluie d’un sombre nuage téméraire de négligence, de corruption et de pauvres habitudes, silence on meurt.

Continuons à parler sans être écouté, à écrire sans être lu, à produire des vidéos de prévention hélas noyées par des novelas et autres escapades d’activistes farfelus et comiques. Pour le bien de notre chère Nation, ne désespérons point d’alerter sur ce que tout le monde connaît déjà.

Quelle que soit sa couleur politique, le garant de la sécurité routière promet constamment : plus jamais ça à l’issue d’un conseil interministériel. Le Réseau des Parlementaires pour la Promotion de la Sécurité Routière (REPSER) se contente seulement d’exprimer ses regrets et de donner quelques recommandations. Le discours folklorique d’un ministre des Transports. Les usagers de la route sont invités à observer les dispositions du Code de la Route. Mais Comment respecter un code quand on n’a ni la disposition, ni le minimum de connaissance requise.

Point de rupture, routine sur routine sous le soleil du Casajolof, pour ces bienfaiteurs de la parole.

Le temps d’une émotion, une attraction politique, un match de football de deux clubs étrangers, un combat de lutte, une nouvelle mode, une nouvelle danse diabolique, le temps que le vent nous mène à une autre catastrophe ou distraction, silence on meurt sur nos routes.

Le temps de vous pleurer, l’égoïste vie reprendra sa routine avec son chapelet d’activités quotidiennes et profanes.

Regrettés défunts, est-ce de l’inconscience, du laxisme ou simplement un manque de respect pour la vie ? Au moment de vous mettre sous terre, certains se permettent de répondre au téléphone, d’autres s’autorisent même un selfie immortalisant le jour du malheur. Sans omettre ceux qui, face au drame, avant tout geste de secours pensent d’abord à l’exclusivité de l’information sur WhatsApp et Instagram. A la maison mortuaire, les participants au concours de maquillage et des dernières tendances, se bousculent aux portes du tape-à-l’œil, sur fond de commentaires bruyants et insensés des faits-divers.

Ho maman, avons-nous encore du respect pour la vie ?

Nous connaissons les facteurs, les tiroirs ministériels regorgent de milliers de rapports de séminaires et d’ateliers sur le thème, mais hélas, nous restons citoyens du pays de la Téranga, ni responsables ni prudents.

 

Entre temps, malgré nos plaintes et complaintes, l’économie nationale subit une perte estimée à 2% du PIB en raison des accidents de la route.

Avant que l’Etat ne prenne ses responsabilités et récupère la gestion du transport public comme dans tout pays sérieux, avant que le réseau Sénégal Dem Dikk soit étendu au niveau national, que de sérieuses compagnies de transport soient appuyées par l’autorité. Avant le rétablissement du réseau ferroviaire, avant l’éradication des billets de banque cache œil d’infractions routières, l’anéantissement du pouvoir des relations et interventions à l’africaine bouclier contre toute sanction, avant l’instauration des permis à points, la généralisation de l’utilisation des radars, la mort continuera à joncher nos routes.

Avec des permis de conduire accordés par complaisance, avec encore des routes étroites et vétustes malgré quelques améliorations du réseau routier et autoroutier, avec un parc automobile d’un autre âge, peuplés de Ndiaga Ndiaye et car-rapides qui pourtant ne trouve aucune lenteur pour se trouver une visite technique. Avec des véhicules travestis conduits inconsciemment par de jeunes apprentis-chauffeurs dont la formation laisse à désirer. Avec des autorités qui se plient devant des lobbys de transporteurs parfois ignorants, insolents, arrogants et uniquement préoccupés par le gain. Ainsi que des taxis-motos Jakarta dans la belle capitale ouest africaine, les taxis-clandos, les «ware gaïndé» qui ne doivent leur survie qu’au maudit petit déjeuner journalier du commandant. Sans oublier les arrêts cars improvisés, les piétons et les marchands à la sauvette sur l’autoroute. Les aigres informations en provenance de nos routes de la mort se poursuivront.

Marcel Monteil

marcelmonteil@gmail.com

One thought on “Sur les routes de la mort…

  1. Merci à l’auteur Mr Marcel Monteil ! Puisse son voeu cher, socle de tout son article – un strident cri du coeur – se réaliser ! Merci encore !

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