France: l’Assemblée nationale élit ses vice-présidents, l’extrême droite n’obtient aucun poste

France: l'Assemblée nationale élit ses vice-présidents, l'extrême droite n'obtient aucun poste
Partager

L’élection des six vice-présidents de l’Assemblée, qui composent le bureau de la chambre avec les questeurs et les secrétaires, a donné lieu aux premières passes d’armes de la 17e législature vendredi 19 juillet. Un vote a été annulé, en raison d’un trop grand nombre de bulletins par rapport aux votants.

Quatre des six vice-présidents ont été élus au premier tour : les Insoumises (gauche) Nadège Abomangoli et Clémence Guetté, qui sera la première vice-présidente, la candidate d’Horizons (droite) et vice-présidente sortante Naïma Moutchou, et Xavier Breton (Droite républicaine).

Au second tour, le ministre de l’Industrie démissionnaire Roland Lescure et la députée Les Républicains (droite) Annie Genevard ont été élus. Le Rassemblement national (RN, extrême droite) n’est pas parvenu à faire gagner ses deux vice-présidents sortants, Sébastien Chenu et Hélène Laporte.

L’Assemblée nationale a également élu vendredi soir trois questeuses – Christine Pirès Beaune (Parti Socialiste), Brigitte Klinkert (Ensemble pour la République) et Michèle Tabarot (La Droite républicaine), pour occuper les postes influents de la questure, chargée notamment de la bonne tenue des finances de la chambre basse. Tenant les cordons de la bourse au Palais Bourbon, les questeurs disposent d’une large compétence sur son budget. « Aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable », précise le règlement de l’institution.

Le RN Bruno Bilde s’est incliné face à Christine Pirès Beaune. Concernant les 12 postes de secrétaire de l’Assemblée, tout porte à croire que le RN n’en obtiendra aucun en raison du front républicain – qui ne dit pas son nom – entre le Nouveau Front populaire et l’alliance présidentielle, estime Aurélien Devernoix, journaliste au service politique de RFI. La volonté du RN de refuser tout compromis dans l’optique de se positionner comme le seul réel parti d’opposition dans l’hémicycle explique aussi l’absence du RN aux postes clés de l’Assemblée nationale.

Un « bourrage d’urnes » au palais Bourbon ?

Avant l’élection des vice-présidents à l’issue de ces tours, un premier vote a été annulé. Deux heures et demie après le lancement des opérations de vote, coup de théâtre : « À l’issue du dépouillement, il est apparu que dix enveloppes en trop avaient été déposées dans les urnes […]. Nous allons devoir refaire le scrutin dans la mesure où les résultats aboutissaient à de trop faibles écarts », a déclaré la présidente Yaël Braun-Pivet (Renaissance), réélue la veille au perchoir.

« Honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude », a tonné dans l’hémicycle le député socialiste Jérôme Guedj, demandant une enquête et la révision des modalités de vote. Dans la salle des Quatre-colonnes, où les députés rencontrent la presse, les élus se montraient désabusés. « Le soupçon par rapport au bourrage d’urnes existe », relève le porte-parole de la Droite républicaine, Vincent Jeanbrun. « Il ne faut pas exclure une volonté de déstabilisation », juge Jean-René Cazeneuve (groupe Ensemble pour la République) auprès de Charlotte Urien-Tomaka, journaliste au service politique de RFI. Un sentiment partagé par Viollette Spillebout, députée Renaissance du Nord, qui estime que cela ne peut être qu’un acte volontaire. L’enjeu est crucial : les vice-présidents remplacent la présidente de l’Assemblée en son absence.

« Coup tactique »

Chantre d’une représentation équilibrée de chaque force politique dans les instances de l’Assemblée, le groupe de Marine Le Pen avait annoncé qu’il voterait pour Mesdames Abomangoli, Guetté, Moutchou, Laporte et Messieurs Breton et Chenu.

Auprès de la presse, les députés de gauche s’efforçaient de décrypter « le coup tactique » du RN, selon les termes de Benjamin Lucas (groupe Écologiste et Social). « Le RN avait perdu. Ce qu’il a cherché à faire avec son pseudo-coup d’éclat », c’est « masquer le fait qu’ils sont perdants d’office, laisser entendre qu’il pourrait y avoir des retours d’ascenseur et cetera », a commenté la députée La France Insoumise (LFI) Sarah Legrain.

Dans l’hémicycle, la macronie n’a pas manqué de relever ce soutien inattendu du RN à La France insoumise. « LFI étant élue avec les voix du Rassemblement national, ils pourraient au moins leur serrer la main », a lancé le ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin. « Vous n’avez, vous les macronistes, aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau Front Populaire. C’est vous qui aviez voté en 2022 pour élire des vice-présidents de l’Assemblée nationale » RN, a vertement répliqué la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, dans une ambiance tendue. Des députés se sont échangés des invectives dans l’hémicycle.

« Matchs différents »

La macronie, qui avait en 2022 concédé deux vice-présidences au RN, dans le souci d’une représentation équitable des groupes, a cette fois-ci fait le choix de s’entendre avec la droite pour permettre l’élection de Yaël Braun-Pivet. Le risque pour le camp présidentiel est de se mettre à dos l’ensemble des oppositions, en échange d’une alliance avec LR loin de lui assurer les 289 voix d’une majorité absolue, l’ensemble pesant 213 députés.

Selon des sources concordantes, la droite demande également la commission des Finances, qui se jouera samedi. Pour que ce poste revienne à la Droite républicaine, il faudra que la majorité sortante prenne part au vote, ce qui est contraire aux usages. « Une honte », a dénoncé Manuel Bompard (LFI).

Pour Emmanuel Macron, cette alliance pour le perchoir est le premier pas vers la constitution d’un gouvernement qui aurait le soutien de la droite, ce qui permettrait de doucher les espoirs de gouverner de la gauche. Les responsables du Nouveau Front populaire semblaient toutefois ne pas vouloir renoncer vendredi. « Ce sont des matchs différents [entre l’Assemblée et Matignon]. On est là, on continue et on y croit », a assuré la patronne des écologistes Marine Tondelier sur Franceinfo.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *